Un petit garçon est venu me voir tout à l'heure Avec des crayons et du papier Il m'a dit je veux dessiner un homme en couleur Dis-moi comment le colorier
Je voudrais qu'il soit pareil que moi quand je serai grand Libre, très fort et heureux Faut-il le peindre en bleu, en noir ou en blanc Pour qu'il soit comme je le veux
Si tu le peins en bleu, fils Il ne te ressemblera guère Si tu le peins en rouge, fils On viendra lui voler sa terre Si tu le peins en jaune mon fils Il aura faim toute sa pauvre vie Si tu le peins en noir fils Plus de liberté pour lui
Alors le petit garçon est rentré chez lui
Avec son beau cahier sous le bras Il a essayé de dessiner toute la nuit Mais il n'y arriva pas
Si tu le peins en bleu, fils Il ne te ressemblera guère Si tu le peins en rouge, fils On viendra lui voler sa terre Si tu le peins en jaune mon fils Il aura faim toute sa pauvre vie Si tu le peins en noir, fils Plus de liberté pour lui
Si l'on veut trouver une morale à ma chanson C'est assez facile en somme Il suffit de dire à tous les petits garçons Que la couleur ne fait pas l'homme
On ne peut pas dire qu'ils furent esclaves De là à dire qu'ils ont vécu Lorsque l'on part aussi vaincu C'est dur de sortir de l'enclave
Et pourtant l'espoir fleurissait Dans les rêves qui montaient aux yeux Des quelques ceux qui refusaient De ramper jusqu'à la vieillesse Oui not' bon Maître oui not' Monsieur
Si par malheur ils survivaient C'était pour partir à la guerre C'était pour finir à la guerre
Aux ordres de quelques sabreurs Qui exigeaient du bout des lèvres Qu'ils aillent ouvrir au champ d'horreur Leurs vingt ans qui n'avaient pu naître Et ils mouraient à pleine peur Tout miséreux oui not' bon Maître Couvert de prêtres oui not' Monsieur Demandez-vous belle jeunesse Le temps de l'ombre d'un souvenir Le temps du souffle d'un soupir
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? Pourquoi ont-ils tué Jaurès? *C'est en sortant de son travail au journal l'Humanité, le 31 juillet 1914, que Jean Jaurès se rend au café du croissant, rue Montmartre, il y sera assassiné de deux balles dans la tête tirée à bout portant par un étudiant nationaliste de droite : Raoul Villain. Son engagement pacifique contre la guerre qui gronde, lui avait assuré une haine viscérale de la part des milieux nationalistes. Son assassinat intervient trois jours avant le déclenchement de la gigantesque boucherie de 14-18. La mort du leader pacifiste annonce la fin des espérances de paix, seuls les millions de morts et l'horreur du massacre donneront finalement raison à Jaurès. Son meurtrier purgera 56 mois de détention préventive avant d'être finalement acquitté lors d'un procès aux Assises en 1919 au lendemain de la guerre. C'est même la veuve de Jaurès qui devra régler à cette occasion les frais de justice. D'autres se chargeront de rendre la justice à leur manière. Raoul Villain, réfugié sur l'île d'Ibiza dans les Baléares, sera assassiné à son tour le 17 septembre 1936, par les républicains espagnols. On en était alors qu'aux préparatifs d'un second conflit mondial qui n'eut rien à envier au premier en termes de barbarie.